« Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » – dit Jésus dans l’Évangile de ce dimanche. De même que la croix – le don total – a été l’heure de la gloire de Jésus – l’heure où il a révélé au maximum le plus grand amour puisque, innocent, il mourait pour les coupables -, de même, chaque fois que vous faites un geste d’amour, c’est l’heure de votre gloire, l’heure de votre renaissance, l’heure où vous ressemblez à Jésus, le Juste.
Prédication du père Louis Groslambert pour le cinquième dimanche de Pâques
Oserai-je vous le dire ? Quand nous avions 15 ans, nos éducateurs nous disaient « il faut que vous ayez un idéal ». Ils voulaient nous encourager, mais moi, j’étais toujours découragé, parce que j’étais toujours en dessous de l’idéal. Alors j’ai peur qu’en écoutant « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », vous pensiez « Aimer comme Jésus, c’est un bel idéal, mais Jésus place la barre beaucoup trop haut ! Mes résolutions pour mieux aimer, je ne les tiens pas plus longtemps qu’un feu de paille, je retombe dans ma médiocrité. Comment aimer celui-ci dont le seul nom me donne des boutons ? et je ne peux pas me défaire de mon tempérament…; comme je n’arrive pas à aimer, je ne serai donc pas aimé ». Quand l’évangile qui est une bonne nouvelle devient une accusation, il devient une mauvaise nouvelle, le contraire d’un Évangile.
Qu’en est-il de l’idéal donné par Jésus ? C’est le commandement « aimez-vous ». Mais parce que « aimer » est le mot le plus ambigu, le plus galvaudé, Jésus précise : « Aimez comme je vous ai aimés », c’est-à-dire en mourant les uns pour les autres. Frères et sœurs, Jésus vous a aimés en s’agenouillant devant vous pour vous laver ; il a risqué d’être torturé pour vous faire voir avec le plus d’évidence l’amour sans limite que Dieu a pour vous. Bref, Jésus a donné sa vie parce qu’il n’y a pas de plus grand amour ; et il ne donne pas le commandement de l’aimer, lui, mais d’aimer les autres, les frères. Est-ce que le commandement d’aimer même ceux qui nous énervent, de pardonner à ceux qui nous offensent… est un cadeau qui vous réjouit ? Moi, ça me réjouit de constater Dieu a installé en nous l’appel à aimer ; je pense que l’humanité a reçu un fameux cadeau quand Dieu a gravé dans le cœur de chacun « tu aimeras » ; c’est le seul chemin de la paix. Heureux sommes-nous d’être appelés à aimer !
Et, de même que la croix – le don total – a été l’heure de la gloire de Jésus – l’heure où il a révélé au maximum le plus grand amour puisque, innocent, il mourait pour les coupables -, de même, chaque fois que vous faites un geste d’amour, c’est l’heure de votre gloire, l’heure de votre renaissance, l’heure où vous ressemblez à Jésus, le Juste.
Alors, puisque celui qui aime entre dans la gloire et devient semblable à Jésus, nous pouvons nous réjouir que Jésus nous donne le commandement d’aimer : celui qui contemple le Christ en croix entend l’appel à aimer.
Frères et sœurs, quand vous voyez les larmes que provoque le non-amour, vous comprenez que vous êtes appelés à apporter de l’amour et cela vous donne de la joie. Si vous vous levez le matin avec le projet de mettre de la miséricorde là où n’y a que condamnation, et si vous mettez de la fraternité là où il n’y a que le chacun pour soi, vous faites reculer l’enfer, vous élargissez le paradis. Aimer, c’est un service de l’humanité, un devoir. Écoutez l’histoire qu’à écrite le P. Christian de Chergé avant d’être martyrisé à Tibhirine : ça se passe en Algérie pendant les années les plus troublées. Un garçon terrorisé par les bombes dit à sa sœur : « l’enfer c’est maintenant ; l’enfer c’est là où il n’y a pas d’amour ; nous sommes en enfer puisque tout brûle » – Non, dit la sœur : j’aime tout le monde, papa et maman aiment tout le monde ; ça ne peut pas être l’enfer puisqu’on s’aime tous ». Peu après, tout a été détruit, les parents sont morts, et les deux enfants se sont réfugiés dans les ruines de l’église. Le petit garçon dit à sa sœur : n’aie pas peur, tu vois bien que ça ne peut pas être l’enfer, puisque nous nous aimons ». Voyez à quel point l’amour est puissant, comment la décision d’aimer change tout, comment Jésus ressuscité est pour nous le salut.
Beaucoup d’entre vous participent à des activités au service des frères. La raison que donnent certains c’est : « je fais cela parce que j’aime ». Permettez que je suggère que vous avez une autre motivation, celle de faire reculer l’enfer. « Aimez-vous ! » Celui qui nous le demande a lui-même obéi au commandement d’aimer : il est allé jusqu’à mourir dans les tortures : il a anéanti l’enfer. C’est impératif de pratiquer cette morale et c’est notre joie.