En regardant la croix, nous n’entrons pas dans une spiritualité doloriste. Nous éprouvons une admiration, une adoration ; nous avons l’intuition que notre Jésus s’est révélé très grand quand, au moment de montrer l’amour infini, face à la torture, il ne s’est pas dérobé, il a rejoint librement ceux qui sont au plus bas : « ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ». En regardant la croix, nous avons l’intuition que la croix exprime que notre vie n’a de sens que si nous la donnons : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour les autres ».
Prédication du père Louis Groslambert pour la fête du Seigneur – dimanche de la Croix Glorieuse
Frères et sœurs, vous n’êtes pas les premiers à pressentir qu’en regardant la croix de Jésus, vous ouvrez votre cœur à un grand mystère d’amour. Dès les 1ers siècles, des pèlerinages ont conduit nos ainés vers les lieux où Jésus avait vécu : Bethléem, Nazareth, le lac de Tibériade et… le calvaire. Ainsi, à l’endroit où, en l‘an 326, Sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin crut découvrir la croix du Christ, on a construit, au VII ème siècle, l’actuelle basilique du Saint Sépulcre. La fête d’aujourd’hui, « la croix glorieuse », marque l’anniversaire de la Dédicace de la basilique.
Oui, en regardant la croix, nous n’éprouvons pas de dégout macabre, et nous n’entrons pas dans une spiritualité doloriste. Nous éprouvons une admiration, une adoration ; nous avons l’intuition que notre Jésus s’est révélé très grand quand, au moment de montrer l’amour infini, moment qui comporterait le rejet, la trahison, les tortures, comme il avait annoncé 3 fois , il ne s’est pas dérobé ; au contraire, il est descendu au plus bas, quoi qu’il lui en coûte, pour rejoindre ceux qui sont au plus bas ; et il l’a fait librement : « ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ». En regardant la croix, nous avons l’intuition que la croix exprime que notre vie n’a de sens que si nous la donnons : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour les autres ». Est-ce que ceux qui ont inscrit la fraternité dans la devise de la France ont pensé que la fraternité va jusqu’à donner sa vie pour les autres ?
Mais chacun éprouve que l’amour est vrai s’il est sans limite. Vous le diriez mieux que moi : votre amour est vrai quand vous vous décarcassez pour votre conjoint ou pour vos enfants, pour vos parents âgés ou pour votre voisin handicapé, ou pour les personnes que vous servez avec patience au Secours catholique ou dans des associations de même charisme. Si vous occupez ainsi vos journées, vous éprouvez une plénitude, alors que si vous soignez votre confort, votre tranquillité, vos journées sont vides, vaines, nulles.
À plus forte raison, nous qui venons à la messe, nous serions incohérents si, après avoir regardé le Christ donnant sa vie sur la croix, nous refusions de payer de notre personne. Il nous faut dire quelques mots sur le récit rapporté par la 1ère lecture. Dans le désert inhospitalier, les Israélites sont mordus par des serpents. A leur prière, Dieu s’empresse d’indiquer l’antipoison, ce qu’il faut-il faire face au mal. Dieu dit qu’il faut le regarder en face avec la foi ! Or il n’est pas spontané de regarder le mal en face. En matière d’écologie, un président disait : « la maison brûle et on regarde ailleurs » ; et de même le problème des injustices : on s’alarme quand on voit les pauvres et on craint leur révolte, mais on ne corrige guère l’odieux accaparement des richesses par quelques-uns ; et de même le problème de la guerre : ne sommes-nous pas incohérents lorsque nous plaidons pour la paix et que nous fabriquons des armes ? En plus, il ne suffit pas de regarder en face ces problèmes très compliqués, il faut les regarder avec la foi, en pensant que Dieu a quelque chose à en dire. Pour que les Israélites regardent en face leur adversaire, le venin des serpents, Moïse leur apprend à lever la tête pour qu’ayant la tête levée vers le serpent dressé, ils voient à la fois l’ennemi qui fait mourir et le Seigneur du ciel qui sauve de la mort.
Quand nous regardons la croix, nous voyons à la fois la violence qui surabonde dans le monde et maltraite les plus faibles au point d’affecter Dieu, et le mystère de la gloire, le mystère de la surabondance de l’amour. Jésus nous le dit comme il le disait à Nicodème : Les pécheurs, « regarderont avec foi vers celui qu’ils ont transpercé ». L’homme a la vie s’il voit en même temps la mort et le Christ qui libère de la mort.
Puissions-nous dire comme Saint Paul : « je n’ai rien voulu savoir que ceci : Jésus Christ et Jésus Christ crucifié ».
Je l’ai dit au début, une manière de regarder la croix du Christ consiste à y voir l’affichage de la haine et de la violence des hommes ; une autre manière consiste à y voir la fidélité imperturbable de l’amour que le Christ offre aux hommes. Parce que nous y voyons la manifestation de l’amour invincible du Seigneur, nous disons que la croix est glorieuse, pleine de gloire. « Que toute langue proclame que Jésus Christ est Seigneur ».