Ce dimanche, la Parole de Dieu nous invite à revenir à l’essentiel : aimer Dieu de tout notre cœur et aimer notre prochain comme nous-mêmes. À la suite du Christ, notre vocation est de bâtir une plus grande fraternité au nom du Père commun. D’ailleurs, même la devise de notre pays laïc réclame la fraternité. Prenez soin de vous ; prenez soin de votre vocation.
Prédication du père Louis Groslambert pour le quinzième dimanche du temps ordinaire
Frères et sœurs, vous êtes à l’image de Dieu ; la loi d’amour est inscrite dans votre cœur. Les non chrétiens sont aussi à l’image de Dieu, et la loi d’amour est inscrite dans leur cœur. On voit partout des comportements de solidarité, de fidélité, de don de soi. On voit partout le royaume de Dieu. Partout des gens s’émeuvent de voir ceux qui tombent le long du chemin ; d’autres ne se contentent pas de s’émouvoir en apprenant que certains chutent sur le chemin et travaillent à refaire le tracé du chemin – comme dit Isaïe – pour que les hommes ne continuent pas d’être méprisés, trahis, attaqués, battus, volés, violés… Oui, la loi que Dieu inscrit dans notre cœur est la loi parfaite, comme dit le psaume ; elle redonne vie ; elle est sûre ; elle rend sage ; elle est source de paix.
Vous l’avez entendu : le héros de la parabole est un homme qui fait apercevoir le Royaume de Dieu. Le samaritain secourt un homme qui vient de Jérusalem, donc un juif qui méprise les samaritains : il lui importe peu que l’homme à soigner soit d’ici ou de là ; il est compatissant pour tous comme le Père qui fait lever le soleil sur les méchants autant que sur les bons, sur ceux qui vous cassent les pieds autant que sur vous. Le samaritain a la loi d’amour écrite dans son cœur. Il sait que le prochain à aimer comme un frère, on ne le choisit pas, c’est n’importe qui. Par conséquent, celui qui a dans le cœur la loi d’amour ne peut pas dire « j’aime d’abord mes frères, puis éventuellement mes cousins, … et à la rigueur mes compatriotes, et très exceptionnellement, les autres ». Car le Seigneur nous dit : « tu n’es homme que si tu aimes » ou comme il disait à Cain : « Homme, tu es le gardien de ton frère ». Jésus a été cet homme à l’amour universel en disant « mon sang versé pour la multitude ». Puissions-nous devenir, comme Jésus, des frères universels, qui s’approprient la fragilité des autres, prennent sur eux la douleur de leurs échecs et combattent l’exclusion ; notre vocation est de bâtir une plus grande fraternité au nom du Père commun. D’ailleurs même la devise de notre pays laïc réclame la fraternité. Prenez soin de vous ; prenez soin de votre vocation.
Vous avez noté que ceux qui ne font rien pour le blessé, sont des religieux ; cela montre que ce n’est pas parce que nous récitons le « Je crois en Dieu » que nous sommes surs de vivre selon la loi de Dieu. Par ailleurs, vous pouvez sans doute admirer que la miséricorde de Dieu est montrée par des gens non religieux… qui ont dans le cœur la loi de Dieu. Frères et sœurs, souvenons-nous que si nous voulons honorer le Corps du Christ dans l’eucharistie, il faut commencer par l’honorer en la personne de notre prochain ; il faut commencer par ne pas le mépriser quand il est nu, quand il est sale, quand ses options sont autres que les nôtres. Notre vocation c’est de porter attention à tout homme comme l’ont fait le samaritain et Jésus, puisque Jésus nous dit « va et toi aussi, fais de même », puisque tu es à l’image de Dieu.
Vous avez noté aussi que la parabole promeut le service gratuit. Le scribe qui interroge Jésus lui demande ce qu’il doit faire pour obtenir la vie ; il donne à penser qu’il est prêt à faire quelque chose pour être récompensé. Jésus lui répond en faisant le portrait d’un samaritain qui ne cherche pas de récompense mais qui laisse parler son cœur où est gravée la loi d’amour ; comme le père du prodigue, il est saisi de pitié et il agit pour son prochain, sans calcul, et quoi qu’il lui en coûte. Le samaritain est à l’image de Dieu et c’est pourquoi il agit par grâce. Comme notre vie serait belle si nous agissions par grâce, sans rien chercher en retour !
Vous avez noté aussi que Jésus ne se contente pas de demander au scribe ce qui est écrit dans la loi. Il lui demande : « Comment lis-tu ce qui est écrit ? Comment laisses-tu l’appel de la loi résonner dans ta vie ? ». Eh bien, observons comment la loi d’amour résonne dans le cœur de Jésus. Comme le samaritain, il voit des gens blessés par leurs passions, trahis par les mensonges, malmenés par les systèmes politiques, soumis aux lois du marché, proies des trafiquants d’êtres humains, victimes du pillage de leurs richesses… Il voit les plus riches dépouillés de leur vocation spirituelle par l’illusion de la réussite matérielle… Comme le samaritain, Jésus est pris de pitié devant l’humanité défigurée ; il s’arrête, et sans calculer ce que cela lui coûtera, il met à la disposition de l’humanité tout l’amour nécessaire pour qu’elle guérisse. De même que le samaritain méprisé devient le sauveur, le Christ méprisé est le vrai sauveur. Puissions-nous lire la loi comme Jésus !
Notre liturgie nous aide : quand nous chantons « Seigneur, prends pitié », nous nous adressons à celui qui a vu l’humanité agressée par les mensonges, qui s’est arrêté et qui a pris sur lui toutes les souffrances des hommes. Quand nous écoutons la parole, nous accueillons le portrait de Jésus qui pratique l’amour fraternel, le secours aux pauvres, le partage… tout ce qui est essentiel à la construction de nos sociétés. Par la communion à celui qui a fait de sa miséricorde une hôtellerie pour notre faiblesse, la liturgie nous charge de faire de notre cœur une hôtellerie pour notre prochain. Le prêtre a raison de nous envoyer vivre à la manière du Christ, et de nous dire : « Tu as vu comment le Christ agit : va, et toi aussi, fais de même »