Comment pouvons-nous appeler roi un crucifié ? Ça n’est possible que si nous ne lui attribuons pas ce qui convient aux puissants de la terre. En effet, Jésus ne pourrait être que détestable si sa puissance lui permettait d’être plus violent que les rois et de dominer plus cruellement que les dominateurs ! Les régimes totalitaires écrasent les élites et n’existent qu’en réduisant les gens à l’esclavage. Le Fils de Dieu, Jésus, au contraire des dictateurs, fait vivre, relève, réconcilie, libère, patiente… sans jamais punir ni sans rendre le mal pour le mal. Il nous faut acclamer un tel roi !
Prédication du père Louis Groslambert pour la solennité du Christ Roi
Frères et sœurs, pendant l’Avent, le prophète promet la naissance d’un roi : « On l’appellera Fils du Très Haut, je lui donnerai le trône de David son père et il règnera pour toujours ». Or l’homme que saint Luc décrit, loin de siéger sur un trône, est pendu à une croix. Un gibet n’est pas un trône ! Comment pouvons-nous appeler roi un crucifié ? Ça n’est possible que si nous ne lui attribuons pas ce qui convient aux puissants de la terre. Certes, Jésus parle au larron avec une autorité suprême ; mais il se présente avec l’abaissement suprême d’un être défiguré, écrasé, piétiné. Est-ce avantageux pour l’humanité d’avoir un roi pas comme les autres ?
Les autres rois montrent leur puissance. Et Jésus ne le fait pas. Comme s’il nous interdisait de dire que Dieu est « tout puissant », comme s’il disait que par cet adjectif nous risquons de déformer le visage du Dieu d’amour et risquons d’engendrer l’athéisme. En effet, Jésus ne pourrait être que détestable si sa puissance lui permettait d’être plus violent que les rois et de dominer plus cruellement que les dominateurs ! Les régimes totalitaires écrasent les élites et n’existent qu’en réduisant les gens à l’esclavage. Le Fils de Dieu, Jésus, au contraire des dictateurs, fait vivre, relève, réconcilie, libère, patiente… sans jamais punir ni sans rendre le mal pour le mal. Il nous faut acclamer un tel roi ! C’est que Jésus a quand même une fameuse puissance. L’évangile nous stimule à repérer sa puissance quand saint Luc écrit : « le règne de Dieu est au milieu de vous ». Dieu règne déjà ; comme roi, il ne laisse pas le mal occuper tout le terrain.
Le Royaume de Dieu était au milieu de la Galilée quand Jésus s’y comportait avec une tendresse paternelle et une fidélité fraternelle. Après sa résurrection et la Pentecôte, le Royaume de Dieu s’est diffusé par les saints que nous avons fêtés récemment, les saints officiels et les saints de la porte d’à côté qu’on fréquente sans remarquer qu’ils ont les manières de Dieu, la fidélité, la miséricorde, le don de soi. Le Royaume de Dieu est au milieu de nous par vous qui payez de votre personne par amour, par tous ceux qui disent « mon corps livré, mon temps donné, ma fatigue offerte » Nous sommes huit milliards et demi d’humains ; il est incalculable le nombre de ceux qui se décarcassent pour un proche ou un voisin ; la terre est couverte de gens qui ont les manières de Jésus. C’est la preuve que le Christ est puissant ; alors que les dictateurs ne peuvent être puissants qu’en mettant la compétition et la haine dans le cœur de leurs sujets – ce qui n’engendre que les larmes -, Jésus, lui a la puissance de mettre l’amour dans le cœur des humains et immanquablement ça engendre la joie.
Vous allez dire que le mal continue de mordre l’humanité avec férocité. Oui ! Le royaume de Dieu n’est pas achevé ; Dieu ne règne pas partout ; tout n’obéit pas à la loi d’amour. C’est vrai ! Mais parce que nous voyons que la semence d’amour germe partout, que malgré l’omniprésence de l’ivraie, il y a partout le bon grain des doux, des humbles, des assoiffés de justice, des miséricordieux, des artisans de paix… puisque nous voyons que, contre vents et marées, le Saint Esprit suscite des saints, nous avons l’espérance fondée que le Royaume sera établi, que Dieu étouffera l’injustice et la violence… que le Christ mettra à ses pieds et piétinera tout ce qui fait souffrir les hommes.
C’est ce que nous disons à chaque messe : Jésus est venu au milieu de l’ivraie ; il a introduit son amour total, la mort n’a pas pu retenir le saint qui disait « mon corps livré »… son Esprit sème constamment en tout homme l’appel à dire sur soi « mon corps livré »… un jour viendra où la mort ne pourra pas retenir cette humanité éduquée à dire « mon corps livré ».