En ce trentième dimanche du temps ordinaire, Jésus nous apprend à prier en vérité. Non pas en nous croyant parfaits mais en nous présentant à Dieu dans la simplicité du cœur. Notre prière naît de la confiance et de l’amour lorsque nous disons au Seigneur : « n’attends pas que je sois au top de la vertu pour me serrer dans tes bras et me couronner de ta tendresse… Autrement dit : « Par mes propres forces, sans toi, je ne suis rien ».
Prédication du père Louis Groslambert pour le trentième dimanche du temps ordinaire
L’Église voudrait nous faire progresser dans la prière. Rappelez-vous, il y a 15 jours, la prière de remerciement du 10ème lépreux ; rappelez-vous, dimanche dernier la parabole de la veuve qui insiste auprès du juge ; aujourd’hui, notre Seigneur nous parle encore de la prière, de la relation à Dieu ; il voudrait tellement que nous soyons devant Dieu comme des enfants devant leur papa. Frères et sœurs, si vous parlez à Dieu comme des enfants parlent à leur papa, votre prière traverse les nuées, comme disait la 1ère lecture.
Mais peut-il nous arriver de faire une prière qui ne soit pas fraternelle ? Hélas oui ! Avez-vous observé que lorsque le pharisien prie, il méprise ses frères : « je ne suis pas comme les autres qui ont tel et tel défaut ». On comprend que Dieu ne reçoive pas une telle prière : pensez-vous qu’un père est heureux quand on dévalorise l’un ou l’autre de ses enfants ? Et peut-il nous arriver de faire une prière qui ne soit pas filiale ? C’est le cas du pharisien qui fait tellement état de sa perfection qu’il dit à Dieu « je n’ai rien à recevoir de toi ; je n’ai pas besoin que tu m’enveloppes de ta tendresse ». Frères et sœurs, s’il y a de beaux gestes dans votre vie, si votre vie est droite, n’oubliez pas de dire à Dieu : « c’est parce que tu m’as donné ta grâce, toi, le Père, que je n’ai pas été adultère, menteur, criminel…». Ainsi vous éviterez que votre cœur soit le temple de vos propres vertus, et vous permettrez qu’il soit le temple de Dieu.
En revanche, le publicain est conscient qu’il a peu de vertu ; écoutez bien sa demande : « prends pitié du pécheur que je suis », autrement dit « n’attends pas que je sois au top de la vertu pour me serrer dans tes bras et me couronner de ta tendresse…; au lieu d’attendre que je sois au top, agis envers moi selon ta miséricorde. » Autrement dit, encore « Par mes propres forces, sans toi, je ne suis rien ».
Sans toi, je ne suis rien. Ça fait penser à la chanson de Jean Ferrat : « que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre ? ». Vous les époux, vous vous dites cette parole qui vous place sur le registre de l’amour : « que serais-je sans toi ? ». C’est sur ce registre de l’amour que doit se tenir notre prière. Si nous faisons cette prière « Père, que serais-je sans toi ? Christ, que serais-je sans toi ?», nous prenons appui sur le rocher le plus solide, Dieu.
La 1ère lecture l’affirmait : la prière qui traverse les nuées et va directement au cœur de Dieu, c’est la prière de celui qui dit « que serais-je sans toi ? ». C’est pourquoi, s’il y a en nous un manque (de prière, de fidélité, de bienveillance, de ferveur…), ne soyons pas découragés : un vide de Dieu, c’est un vide pour Dieu, un vide où Dieu pourra trouver place.
Saint Luc conclut : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ». Ce vocabulaire (élever, abaisser) suggère qu’on exprime la relation au Dieu de Jésus Christ par une échelle. Spontanément l’homme prétend qu’il rencontrera Dieu s’il monte au plus haut de l’échelle en se crispant sur son observance fidèle des commandements. Mais, Dieu n’est pas au-dessus de l’échelle ; en effet, il est descendu au plus bas pour chercher la brebis perdue ; ce n’est donc pas en haut de l’échelle qu’il nous attend, mais là où nous en sommes, même si c’est au plus bas. Ne nous désolons pas d’être en bas de l’échelle des vertus, de n’avoir gravi qu’un seul échelon dans la prière, d’être redescendus de plusieurs échelons en matière de fraternité… Quand nous sommes au plus bas, c’est alors que nous disons sans mentir : « que serais-je sans toi ? … j’ai tout à recevoir de toi ; mets en moi ta fidélité, ta confiance au Père, ton respect des frères…Dis une parole… que je sois guéri » .
Quand nous disons le Notre Père, nous disons la prière du publicain « pardonne-nous » et cette prière nous rend justes. Elle fait qu’au lieu de désirer notre perfection, nous désirons plutôt que le nom du Père soit sanctifié, que son règne vienne…
Enfin, nous disons au Christ « que serais-je sans toi ». Mais à la fin de la messe, c’est le Christ qui dit à chacun : « que serais-je sans toi ? j’ai besoin de toi ; j’ai besoin de voir ton sourire et tes démarches de réconciliation… je suis l’amoureux qui aime que tu te jettes dans mes bras et que tu travailles pour moi ».