La parabole de l’intendant malhonnête que nous entendons ce dimanche surprend, surtout par la scène finale où le maitre félicite un serviteur non recommandable qui a pratiqué une gestion frauduleuse et qui agit comme un parfait escroc. L’histoire de cet homme, c’est notre histoire, c’est l’histoire de tous les pécheurs… et donc de tous les pécheurs pardonnés.
Prédication du père Louis Groslambert pour le vingt-cinquième dimanche du temps ordinaire
Frères et sœurs, cette parabole surprend, surtout par la scène finale où le maitre félicite un serviteur non recommandable qui a pratiqué une gestion frauduleuse et qui agit comme un parfait escroc. Excusez-moi ; je vais vous heurter : l’histoire de cet homme, c’est notre histoire, c’est l’histoire de tous les pécheurs… et donc de tous les pécheurs pardonnés.
Tenez ! Puisque nous reconnaissons volontiers que nous ressemblons au fils prodigue, rapprochons la parabole de l’intendant malhonnête et la parabole de l’enfant prodigue. Ce rapprochement montre que l’enfant prodigue et l’intendant passent par trois étapes… et nous aussi.
D’abord, ils décident de ne pas respecter la loi : l’intendant dilapide les biens du maître ; quant au prodigue, non seulement il demande d’hériter c’est-à-dire de vivre comme si son père était mort, mais encore, il gaspille sa fortune dans une vie de désordre. Frères et sœurs, tous nos péchés commencent ainsi par le non-respect de la loi.
Puis l’intendant comme le prodigue s’interrogent : « maintenant que je suis dans la mouise, que vais-je faire ? » Le prodigue ne voit pas d’autre solution que revenir travailler chez son père, et l’intendant ne voit pas d’autre solution que de faire un arrangement malhonnête avec les débiteurs de son maître. Reconnaissez que nous, les pécheurs, nous nous interrogeons pareillement : Je suis empêtré dans un mensonge, comment m’en tirer ; j’ai semé la zizanie par des paroles blessantes, comment m’en tirer ? J’ai triché, comment réparer ?….Voyez, c’est notre histoire !
Enfin, troisième étape, le salut immérité. Bien que le prodigue ne revienne pas par amour de son père, mais seulement pour pouvoir manger mieux que la nourriture des porcs, le Père l’accueille avec une fête ! Immérité ! Et l’intendant, bien qu’il ajoute à ses fautes de gestion une fraude supplémentaire et une insolente débrouillardise, le maître fait son éloge. Immérité ! C’est le salut immérité et pour l’un et pour l’autre… et donc c’est le salut immérité pour nous ! C’est que le salut n’est pas conditionné par l’acquisition de vertus : il est gratuit ! Moi, pécheur, je n’ai rien fait de si héroïque que Jésus se soit senti obligé de mourir pour moi ! Or il est mort pour moi, alors que je suis pécheur ! Frères et sœurs, notre salut est immérité !
Mais puisque nous sommes scandalisés par le fait que le maître fait l’éloge de l’intendant, relisons l’histoire pour y trouver les motifs de cet éloge.
Le maître fait l’éloge de l’intendant parce que l’intendant a compris que l’argent n’est pas le trésor absolu, mais que le trésor absolu, c’est avoir des amis qui nous soutiennent et c’est considérer les autres comme des frères qu’on a l’honneur de soutenir (« Tu aimeras ton prochain »). Le maître fait aussi l’éloge de l’intendant parce que celui-ci a compris le bon usage de l’argent ; avec de l’argent, il aurait des amis. Il faut bien faire l’éloge de ceux qui gèrent leurs biens non pour eux-mêmes, mais pour faire grandir la fraternité. On dit parfois que l’argent est sale ; eh bien, en disant « faites-vous des amis avec l’argent », Jésus indique comment pratiquer le blanchiment d’argent : le mettre au service de la fraternité.
Cela, vous l’avez entendu dans la première lecture. Le prophète Amos disait déjà que nous avons tout faux lorsque nous pensons que le but de la vie est d’acquérir des propriétés. Notre cœur est tel qu’il pratique en permanence la course au trésor… mais il se trompe de trésor. Frères et sœurs, parce que nous sommes tous enfants de Dieu, notre religion c’est la fraternité. Il nous faut être des pratiquants non pas d’une religion de rites (bien qu’il en faille !) mais d’une religion de fraternité. « J’avais faim, tu m’as donné ; entre dans la joie » Sur la croix, Jésus n’a pas fait un rite, il a tout donné aux hommes… parce que les hommes sont son trésor ! Il dit lui-même qu’il est l’époux et que l’humanité est son épouse, son trésor.
Frères et sœurs, nous sommes le trésor du Christ, et lui, il est notre trésor. Chaque dimanche, nous recevons Jésus, sa personne, sa pensée, sa promesse… L’Évangile, en effet, est le trésor, car il nous permet de servir les hommes en vérité et génère la vie fraternelle. « On verra que vous êtes mes disciples – que vous possédez le vrai trésor – si vous vous aimez ». La vie fraternelle, c’est ce qui constitue le Royaume de Dieu.