Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus nous invite à être des simples serviteurs. Pourquoi ne devons-nous pas attendre de récompense ? Celui qui aime est toujours récompensé mais il n’aime pas en vue d’être récompensé. Je suis amplement récompensé par la paix que j’éprouve du fait que je me lève le matin avec le projet de faire de ma vie un « je t’aime ». Je ne suis qu’un serviteur… mais quel honneur de servir le maître de la paix, de la justice… !
Prédication du père Louis Groslambert pour le vingt-septième dimanche du temps ordinaire
Frères et sœurs, deux pensées sont énoncées ; nous sommes intéressés par ce qui est dit de la récompense des serviteurs. Mais, commentons d’abord la prière des disciples : « Augmente en nous la foi » ! Pour faire cette demande, est-ce que les apôtres n’avaient qu’une foi minimale ? Et à quel niveau de foi espéraient-ils accéder ? Et quelle épreuve leur paraissait si grande qu’ils ressentent la nécessité d’une foi plus grande ?
Frères et sœurs, il est sûr que le motif pour lequel beaucoup de gens peinent à donner leur confiance à Dieu, et pour lequel certains tournent le dos à la foi, c’est le silence de Dieu lors des tragédies : comment croire que Dieu est très bon et tout puissant alors qu’il n’intervient pas quand on lui demande de mettre fin aux tragédies ? « Seigneur, nous ne comprenons pas qu’étant bon et tout puissant, tu ne fasses pas cesser tout ce qui fait pleurer, et pour ce motif, nous avons du mal de croire en toi : « augmente notre foi ».
Vers 600 av Jésus, Jérusalem était assiégée ; le prophète Habacuc priait ainsi : « c’est la guerre, je ne vois que pillage, violence, disputes et discordes … je crie vers toi… et tu ne sauves pas ! » Aujourd’hui encore, nous voyons les guerres, les famines, la pédophilie… et l’habitude de s’exprimer avec des paroles offensantes et des armes meurtrières …Notre prière reprend forcément celle d’Habacuc : « je t’appelle et tu ne réponds pas. Pourquoi ne fais-tu rien quand le monde est sens dessus dessous, alors que tu es juste et bon et… tout puissant ? Augmente en nous la foi ! Donne-nous des signes qui stimulent notre foi ».
Pour que notre foi soit augmentée, donne-nous des signes. C’est la requête de tous ceux qui s’appuient sur un amour. J’ai entendu une fiancée dire à son fiancé « tu ne me dis jamais que tu m’aimes » ! On a besoin de signes ! Ceux qui s’appuient sur un amour ont besoin que le « je t’aime » leur soit répété indéfiniment. Pour que nous ayons davantage de foi en Dieu, nous lui demandons de nous redire indéfiniment qu’il nous aime ; ainsi notre foi serait plus assurée.
Frères et sœurs, vous avez besoin de foi pour traverser l’épreuve des perturbations de l’adolescence de vos enfants, celle de vos accrocs de santé, celle de vos difficultés professionnelles … Vous devinez que, tout comme vous, les prêtres, les évêques et peut-être le pape lancent vers Dieu le même appel « augmente en nous la foi » ; en effet, il n’y a pas que les tragédies qui mettent la foi à l’épreuve ; voyez l’extrême difficulté du pape de faire entendre ses appels à la paix ; voyez l’extrême complexité d’inviter à l’espérance quand il y a tant d’inquiétude, de prêcher Dieu-amour dans ce monde qui n’adore que l’argent, d’être témoins de Dieu fidèle dans ce monde où les fidélités éphémères et successives remplacent la fidélité permanente, de montrer qu’il est sage de donner sa vie quand beaucoup appellent cela une folie… de travailler à faire des communautés alors que le dragon du chacun pour soi menace tout élan communautaire. Tout cela est aussi difficile que de déplacer un arbre dans la mer, et suppose la foi. « Augmente en nous la foi ! »
Alors que Timothée se sentait faible et priait peut-être d’avoir plus de foi, Saint Paul lui donnait ce conseil : « rappelle-toi le don gratuit de Dieu ». Les personnes qui travaillent à ces missions surhumaines ne peuvent s’appuyer que sur ce conseil. Oui, nous avons un appui, c’est la mémoire que, malgré son silence actuel, Dieu est fidèle à ses promesses, plus fidèle à ses engagements qu’un rocher est fidèle à son emplacement.
Le deuxième paragraphe de saint Luc aborde une autre idée : celle de la récompense. En effet, spontanément on imagine Dieu sous les traits d’un super patron ; et on lui dit : « si je te sers bien, vas-tu me payer au prorata de mes efforts ? » On a tous entendu ceci : « J’ai du mérite : je prie beaucoup, je rends beaucoup service, et même je souffre beaucoup, … j’aurai des droits à faire valoir ! » Frères et sœurs, pensez-vous que l’homme puisse faire valoir des droits, et qu’il marchande avec Dieu ? De quel droit puis-je me prévaloir devant celui qui est mort pour moi ? Vraiment, la relation entre Dieu et les hommes n’a pas pour fondement le droit mais la grâce et la foi. Jésus est révulsé à l’idée qu’on revendique des droits à être aimé.
Devant Dieu, je n’ai pas de droit ; je n’ai pas de récompense à attendre. Dieu qui m’a appelé estime que mon service est très utile, indispensable… mais pour autant je ne suis qu’un serviteur. Si j’ai la foi en Jésus, la seule chose que je puisse faire, c’est d’aimer ! c’est remplir les services que le Christ attend de moi, sans chercher d’applaudissements. Celui qui aime est toujours récompensé mais il n’aime pas en vue d’être récompensé. Je pense que je suis déjà amplement récompensé par l’honneur qui m’est fait à moi, pauvre lamentable, d’avoir été appelé à servir un Maître aussi bon… amplement récompensé par la paix que j’éprouve du fait que je me lève le matin avec le projet de faire de ma vie un « je t’aime ». Je ne suis qu’un serviteur… mais quel honneur de servir le maître de la paix, de la justice… ! Quel honneur de mettre de la paix là où il y a de la haine ! quel honneur de dire à quelqu’un ‘Dieu te pardonne’ ! Quel honneur de dire à la population « vous êtes le temple de Dieu, Dieu habite en vous » ! Quel honneur d’avoir été choisi pour contribuer au règne de l’amour ! Rendons grâce à celui qui nous fait tant d’honneur !