(Jacques PRÉVERT)

J’ai fait un rêve, que dis-je, un cauchemar.

Au cœur des guerres d’Ukraine, du Proche Orient, de la RDC, au Soudan, celles menées par Yves, Gilbert et Gaby ou encore Geneviève contre leur cancer, pour ne citer qu’eux de notre paroisse, apparaît une autre guerre, celle des clochers.

Alors je me suis revu en ce dimanche matin du 15 mars 2020.

Devant l’église de Pont de Roide, après y avoir mis une affichette.

Elle spécifiait l’interdiction de toutes célébrations eucharistiques dans ce lieu.
Interdit par l’État, par l’état sanitaire.

Peu avant dix heures, quelques paroissiens sont venus.

J’ai dû les renvoyer gentiment, car ce matin-là, les cloches ont bien sonnées, mais uniquement à deux reprises leurs dix coups.

Alors je me suis revu dans cette grande église vide, seul en présence du Seigneur.
Cela allait durer de longues semaines, mais ce jour-là, je ne le savais pas encore. Heureusement pour moi.

L’avenir s’écrit jour après jour et heureusement pour nous, comme pour les pages d’un livre, nous n’en lisons qu’une seule à la fois. Alors je me suis revu chaque matin allant ouvrir cette église et y allumer un cierge, pour les personnes venant prier seules dans ce lieu vide et silencieux, à l’image des rues du quartier.

Alors je me suis revu en ce mardi matin accueillir à la chapelle de la maison de la paroisse, Yvette M, puis l’abbé Roger P, pour leur dire qu’il n’y aura pas de messe : inconcevable à leurs yeux.

Mais à cet instant-là, qu’est qui est devenu : inconcevable : celui du départ de François pour Valdoie ?

Alors je me suis revu lire les consignes de la conférence des évêques de France transmises par notre diocèse au sujet des funérailles.

Après la solitude dans l’église et dans le presbytère, il advenait cette solitude face à la mort. Seul face à la famille, seul à célébrer, seul à consoler.

Et la mort est venue frapper, par milliers, chiffres en boucle diffusés sur tous les écrans.

Je me suis revu vivre ce premier enterrement, prière au cimetière de Pont de Roide, dont je connais le frère Louis R, de la défunte.

Pourquoi au cimetière me dis-je ?

Et j’ai compris plus tard, lorsqu’au téléphone, j’entends encore ses pleurs, la fille d’une défunte que j’avais visité en décembre 2019, m’explique que chez Vautherin ne veulent pas plus de cinq personnes pour la célébration d’adieu.

Après coup en accord avec chez Vautherin, pour la première fois, je célèbre avec une vingtaine de personnes ses obsèques.

Et cela n’a été qu’un commencement, dont j’ignorais à l’instant quand il prendrait fin. Viens ensuite d’autres obsèques dont celui du choriste et paroissien Gilbert M. Obsèques aux allures extra-terrestre.

Une de ses nièces nous a tous donné un masque.

Le meilleur de la classe un qui se nomme : FFP2.

Cette nièce m’en donne plusieurs boîtes en me disant que j’en aurai bien besoin.

Je ne le saurai jamais, c’est peut-être grâce à ce don que je n’ai jamais été testé positif à la Covid 19.

Je me suis revu encore décrocher mon portable, c’est une de mes sœurs, elle m’annonce ce qui devait arriver. Le décès de mon père.

Elle l’avait eu au téléphone le matin même de ce samedi 28 mars 2020. Il lui annonçait sa mort par ses mots : « Je suis foutu ».

Je me suis revu au cimetière, avec six membres de ma famille et Didier le propriétaire du funérarium de Sainte Marie.

Il faisait beau en cet après-midi du mercredi 1er avril 2020.

Mais ce n’était pas un poisson d’avril.

Les oiseaux chantaient, la végétation était belle, c’était merveilleux, pour mon père qui aimait la nature.

Si l’on peut dire cela pour un enterrement.

Je me suis revu dans tant de cimetières, comme celui de Voujeaucourt où chez Vautherin m’avait emmené pour prier auprès d’un couple décédé est enterré dans ce lieu du sommeil des morts.

Je me suis revu entendre au répondeur un message d’insultes d’un monsieur. Il se plaignait que la cloche de la chapelle de Vermondans avait sonné à dix heures en ce matin, du dimanche 12 avril, jour de Pâques 2020.

J’en remercie encore Louis M de l’avoir fait, même si cela m’a valu d’entendre des injures d’une voix inconnue.

Seule fois en ces longues semaines, en ce jour de la Résurrection de notre Seigneur, que nous célébrons d’habitude si régulièrement, que des cloches peuvent enfin venir à sonner.

Mais là, ce n’était pas pour un rassemblement et un temps de célébration, car les cloches devaient se taire, même lors des funérailles.

Jour après jour, c’était encore et encore vendredi Saint.

A croire que toutes les cloches de France étaient parties à Rome.

Je pourrais encore écrire bien des phrases, mais à quoi bon.

Vous l’avez, je l’espère, bien compris. De guerres je n’en veux pas.

A entendre notre président nous dire : « Nous sommes en état de guerre. »

Quel que soit la guerre, non merci, je ne la ferai pas.

Alors, s’il y a celle des clochers. Faites-là sans moi.

J’ai suffisamment souffert et j’en souffre encore de celle qui a duré du quatrième dimanche de Carême au dimanche 31 mai 2020,

Jour de Pentecôte, cette année-là.

Si certaines personnes ont déjà pu fermer le livre, pour ma part, le chapitre n’est pas terminé.

Comment pourrais-je oublier ces cercueils portés, avec des gants aimablement donnés par chez Vautherin ?

On encore, ces personnes me demandant, non pas de photographier ou de filmer, pendant un baptême ou un mariage, un nouveau-né, un enfant ou des jeunes mariés, mais le cercueil de leur être aimé !

Que cela soit à la chapelle de Vermondans, comme au cimetière de Dampjoux pour ne citer que ces lieux-là.

Déjà cinq ans me diriez-vous. C’est du passé.
Mais y-a-t-il des choses que nous pouvons oublier ?

Les cloches se sont remises à sonner, sauf à Bourguignon pour l’instant.

Tout est comme avant.

Peut-être pas pour tout le monde.

Et c’est bien dommage pour celles et ceux qui l’ignorent !

Thierry DUBRET août 2025.

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